Compte tenu de la 7e vague de la pandémie cet été, alors que nous espérions un répit temporaire de l’assaut des infections par le SRA-CoV-2, nous avons posé quelques questions pressantes et déconcertantes sur la COVID-19 à des experts affiliés au GTIC. En général, nous voulions vous donner une idée d’où nous en sommes et d’où nous nous dirigeons.

Dr Donald Vinh, chercheur, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill; professeur agrégé, département de médecine, faculté de médecine et des sciences de la santé, Université McGill; chercheur financé par le GTIC

En général, à quoi doit-on s’attendre de la COVID-19 à l’approche de l’automne?


D’habitude, j’évite de faire des prédictions : le risque d’erreur est d’au moins 50 %. Avec la pandémie, il monte à 150 %, comme on le voit depuis deux ans et demi. Il est difficile de savoir ce qui va se passer la semaine prochaine, et encore plus dans trois mois.

En général, il y a trois possibilités : une maladie peut guérir, rester la même ou s’aggraver. La probabilité d’amélioration tend à être proportionnelle aux interventions médicales utilisées. En l’absence d’interventions, on espère une amélioration spontanée. La COVID-19 a démontré qu’elle n’empruntera pas cette trajectoire dans un avenir rapproché.

Ajoutez à cette approche statique l’évolution dynamique du virus, entraînant l’apparition certaine de nouveaux variants « filtrés » par l’immunité antérieure pour conserver un avantage en matière de survie, et il y a lieu d’être encore plus inquiet.

Conjuguez à ces facteurs le regroupement de personnes dans les espaces fermés de tous les milieux d’enseignement à l’automne, dans des édifices où la ventilation est sous-optimale pour la COVID-19, et le portrait pourrait devenir très sombre.

Le développement de vaccins à ARNm de prochaine génération et de vaccins sous-unitairesUn vaccin sous-unitaire renferme des parties purifiées de l’agent pathogène (dans ce cas, le SRAS-CoV-2) qui sont antigéniques ou nécessaires pour induire une réponse immunitaire protectrice. pourrait atténuer le problème, selon la durée de leur protection et leur adoption dans la population. Cependant, le répit qu’ils promettent ne sera pas immédiat. Et ils ne pourront pas à eux seuls enrayer la pandémie.

On sait que l’immunité — qu’elle soit acquise par l’infection, conférée par la vaccination ou de nature hybride — s’affaiblit au bout de quelques mois. Quel calendrier devrais-je respecter pour maximiser mon immunité et m’assurer de respecter le calendrier de vaccination?


La réponse simple à ce qu’il faut faire consiste à respecter les recommandations de la santé publique et à s’assurer d’être à jour dans vos vaccins.

Autrement dit, en ce moment :

  • les plus de 60 ans doivent avoir reçu quatre doses d’un vaccin contre la COVID-19,
  • les 18 à 59 ans, trois doses,
  • les moins de 18 ans, deux doses,
  • les personnes gravement immunodéprimées, cinq doses.

Même si vous êtes à jour, la protection contre les infections légères s’atténue au bout de quelques mois, et la protection contre une infection grave pourrait commencer à diminuer, du moins jusqu’à un certain point, au bout de six à neuf mois. Il est donc fort probable qu’à l’automne, les spécialistes de la santé publique recommandent une autre dose de vaccin, du moins aux personnes âgées, et peut-être même à tout le monde.

C’est aussi à cause de cet affaiblissement que les spécialistes recommandent aux adultes de moins de 60 ans d’envisager une quatrième dose dès maintenant, s’ils ont de bonnes raisons de vouloir éviter l’infection ou le risque de transmettre la maladie à d’autres. Quatre doses (ou cinq à l’automne) ça peut sembler beaucoup. C’est évidemment plus que le nombre habituellement nécessaire pour vous protéger des maladies infectieuses. Cependant, nous vivons une pandémie. Nous traversons une époque peu ordinaire, et les meilleures solutions ne sont pas plus ordinaires.

Cela dit, les recommandations n’ont pas encore été formulées pour l’automne, parce que la pandémie est encore en évolution. Les dirigeants sanitaires ne recommanderont pas de nouvelles doses à moins d’être certains qu’elles sont nécessaires. Les taux d’anticorps persistent plus longtemps après trois ou quatre doses qu’après deux doses, et la combinaison du vaccin et de l’infection (qu’on appelle l’immunité hybride, acquise par moins 40 % de la population canadienne) confère une protection beaucoup plus importante que l’infection ou le vaccin séparément. Ainsi, tout le monde n’a pas nécessairement besoin de doses supplémentaires.

En revanche, de nouveaux variants peuvent se former qui échapperont au système immunitaire avec plus d’efficacité et rendront l’administration de nouvelles doses nécessaire. La plupart des gens aimeraient que les nouvelles doses incluent les protéines spiculaires des nouveaux variants, mais jusqu’à présent, les vaccins qui renferment des anticorps spécifiques aux variants Omicron ne semblent pas fonctionner tellement mieux que les vaccins originaux. Comme nous le constatons si souvent au sujet de la pandémie, le virus et notre compréhension de l’immunité continuent d’évoluer, et nous devons attendre pour nous assurer du meilleur plan d’action à l’automne.

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DreAllison McGeer, chercheuse-clinicienne, Institut de recherche Lunenfeld-Tanenbaum, Mount Sinai Hospital; professeure, École de santé publique Dalla Lana, Université de Toronto; chercheuse financée par le GTIC

Photo of Scott Halperin

Dr Scott Halperin, directeur, Centre canadien de vaccinologie, Halifax; professeur de pédiatrie, de microbiologie et d’immunologie, Université Dalhousie; chef de la division des maladies infectieuses pédiatriques, IWK Health Centre, Halifax; coresponsable du sous-groupe de travail sur la surveillance des vaccins du GTIC

Devrait-on faire confiance à l’innocuité des nouveaux vaccins?


Le processus d’homologation et de recommandation des nouveaux vaccins au Canada et leur mode d’utilisation sont parmi les plus rigoureux au monde. Santé Canada analyse toutes les données disponibles sur l’innocuité et l’efficacité des vaccins et s’assure qu’elles sont suffisantes et bien recueillies avant d’en autoriser l’utilisation au Canada.

Une fois qu’un vaccin est disponible, le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) examine les données, et, à l’aide d’un processus fondé sur des données probantes, recommande la manière dont le vaccin devrait être utilisé. Chaque province et chaque territoire examinent alors ces recommandations et décident si le vaccin sera intégré au programme financé par leurs fonds publics. Ces processus ont été accélérés et ont gagné en efficacité pendant la pandémie de COVID-19, mais aucun raccourci n’a été emprunté, et les vaccins approuvés actuellement ont été soumis à un examen minutieux, équivalant à celui des vaccins homologués auparavant au Canada.

En fait, puisque ces nouveaux vaccins ont reçu une autorisation d’urgence avant leur autorisation complète, les autorités sanitaires fédérale et provinciales ont mis en place des systèmes de surveillance active beaucoup plus exhaustifs que jamais auparavant.

Tous les vaccins et tous les médicaments sont associés à certains effets indésirables, dont la plupart sont légers et qui sont rarement graves. Il a été démontré que les vaccins contre la COVID-19 sont très sécuritaires, sans compter que la nature et la fréquence des événements indésirables sont bien décrites. Grâce à tous ces processus et systèmes en place, les Canadiens peuvent aborder la sécurité des nouveaux vaccins avec une grande confiance.

Jusqu’à présent, les vaccins n’ont pas changé depuis leur homologation. À quoi peut-on s’attendre des vaccins de prochaine génération? Seront-ils spécifiques aux variants? Les vaccins intranasaux seront-ils bientôt offerts?


Les vaccins de prochaine génération comprendront sûrement des versions adaptées aux variants et des versions multivalentes (en mesure d’assurer une protection contre plusieurs variants à la fois). Les vaccins sans aiguille, administrés par voie orale ou par vaporisateur nasal, sont également en cours de développement.

Pfizer et Moderna sont à développer et mettre à l’essai des vaccins adaptés à Omicron qui devraient être prêts à l’automne. Les résultats préliminaires, publiés en juin 2022, ont démontré de forts taux d’anticorps neutralisants contre le variant Omicron BA.1, mais une moins bonne efficacité contre les souches BA.4 et BA.5, plus récentes. À la fin de juin, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a recommandé aux fabricants d’ajouter des composants de protéines spiculaires BA.4 et BA.5 à la composition de leurs vaccins, afin de créer des doses de rappel bivalentes. On ne sait pas quand ces vaccins seront prêts.

Plus d’une douzaine d’entreprises sont à développer et mettre à l’essai des vaccins administrés sans aiguille, sous forme de vaporisateurs nasaux ou de produits par voie orale. La plupart de ces candidats vaccins en sont aux premières phases des études cliniques. Lorsqu’ils seront approuvés, ils seront plus attrayants pour ceux qui ont peur des aiguilles, laquelle peut être une cause importante de réticence envers la vaccination. Par ailleurs, l’administration d’un vaccin contre la COVID-19 par vaporisateur nasal ou par voie orale accroîtra la protection aux premiers foyers d’infection du virus : le nez et la gorge. La quantité de virus contenue dans ces tissus des personnes infectées sera moins élevée, ce qui contribuera à réduire la transmission et qui pourrait changer la donne sur le plan du contrôle de la pandémie.

Pr Jun Liu, professeur, département de génétique moléculaire, Université de Toronto; chercheur financé par le GTIC

Dre Catherine Hankins, coprésidente du Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19; professeure, École de santé des populations et de santé mondiale, faculté de médecine et des sciences de la santé, Université McGill

Les gouvernements ont abrogé les protocoles sanitaires sur le port du masque, la distanciation sociale, la capacité restreinte des salles, etc., et ont révoqué l’obligation du passeport vaccinal. Lorsque chaque mesure de protection devient un choix individuel, quel comportement devrais-je adopter pour assurer ma sécurité et celle de mes proches? Peut-on s’attendre à la réinstauration des mesures sanitaires?


Pour assurer votre sécurité et celle de vos proches, vous devez absolument réfléchir intelligemment et utiliser votre gros bon sens. Dans les lieux publics bondés, comme les salles de spectacle, les transports publics, les bars et les restaurants ou lors des grandes rencontres, portez un masque bien ajusté. Certaines personnes transportent des pailles (de métal, de bambou, etc.) pour boire facilement malgré leur masque. Pensez intelligemment. Il est préférable de ne pas vous fier à ceux qui ne portent pas le masque. Ils craignent peut-être moins que vous de contracter des symptômes graves et la COVID longue et sont peut-être moins conscients de la possibilité de transmettre le virus facilement aux personnes plus vulnérables. Si vous décidez de courir le risque et de ne pas porter le masque, soyez respectueux envers ceux qui le portent. Ils vous protègent peut-être aussi.

En plus du masque, maintenez votre vaccination contre la COVID-19 à jour. Les vaccins continuent d’assurer une protection contre une maladie grave, une hospitalisation et un décès. Vérifiez les recommandations de votre province et assurez-vous de vous faire immuniser lorsque vous devenez admissible à une nouvelle dose. Si vous avez reçu les deux premières doses, mais pas la troisième, il n’y a pas de meilleur moment de vous faire vacciner que maintenant. Si vous n’avez jamais été vacciné, votre risque de contracter la COVID-19 est très élevé, car les variants Omicron sont très transmissibles. Il est important de vous faire vacciner maintenant. Si vous avez déjà contracté la COVID-19, avec ou sans symptômes, votre immunité sera plus vigoureuse et plus prolongée si vous êtes vacciné. Chaque province recommande des âges différents pour recevoir la quatrième dose. Si vous êtes admissible et que six mois se sont écoulés depuis votre dose précédente, faites-vous vacciner maintenant.

La pandémie n’est pas terminée, et le SRAS-CoV-2 continue de muter. De nouveaux variants préoccupants peuvent encore émerger, être hautement transmissibles, échapper à l’immunité et être aussi plus virulents. On peut imaginer une situation où il faudra réinstaurer certains protocoles. En plus d’espérer d’éviter cette menace, nous pouvons tous agir pour réduire le risque, car les mutations dépendent de la transmission. En effet, le risque de mutations augmente conjointement avec la transmission. Toutes les mesures prises pour interrompre et prévenir la transmission peuvent contribuer à enrayer la pandémie plus rapidement.

Si mon système immunitaire est affaibli ou si j’ai plus de 60 ans, aurais-je avantage à prendre des précautions supplémentaires?


Certaines personnes âgées ou qui prennent des médicaments immunosuppresseurs, mais pas toutes, ne sont pas protégées par la vaccination. Ce peut être parce que leur système immunitaire ne peut pas acquérir une réponse assez forte ou parce que leur réponse s’affaiblit très rapidement. Les variants Omicron en circulation infectent facilement les personnes dont la réponse à la vaccination laisse à désirer. À cause des taux d’infection élevés, la COVID-19 peut sembler inévitable, mais il demeure important de tenter de prévenir les infections que nous contractons ou d’en réduire le nombre. Selon les données émergentes, chaque infection entraîne un risque pour la santé à long terme, et après une infection, une réinfection est toujours possible. Les vaccins sont un moyen important de nous protéger et de protéger nos communautés, mais ce ne sont pas nos seuls outils. Je recommande les précautions suivantes à toutes les personnes vulnérables qui font partie de ma vie, et je m’y conforme moi-même :

  • L’important, ce n’est pas nécessairement le nombre de vaccins que vous avez reçus, mais si vous avez été vacciné récemment. Puisque deux doses ne suffisent pas pour vous protéger contre de graves infections par les variants Omicron, recevez la troisième le plus rapidement possible si vous en avez reçu seulement deux. Même chez les jeunes en bonne santé, la protection contre une infection symptomatique par un variant Omicron devient affaiblie de trois à cinq mois après la dose précédente. Si vous pouvez vous faire vacciner au début d’une vague, vous profiterez d’une protection optimale alors même que vous risquez le plus d’être infecté.
  • Moderna assure une meilleure protection que Pfizer chez les adultes plus âgées et les personnes immunosupprimées, mais n’importe quel vaccin est préférable à l’absence de vaccin.
  • Le port d’un masque bien ajusté à l’intérieur représente un excellent moyen de vous protéger et de protéger votre communauté. Le port du masque dans les foules extérieures peut également être utile.
  • La ventilation est capitale. Évitez les lieux non ventilés et, dans la mesure du possible, socialisez à l’extérieur.
  • Ne reportez pas un traitement médical. Un corps en santé lutte mieux contre les infections. Mieux vous soignerez vos problèmes chroniques (p. ex., diabète, troubles respiratoires), mieux vous vous en tirerez en cas d’infection grave.
  • Encouragez votre famille et vos amis à porter le masque, à socialiser à l’extérieur et à maintenir leur vaccination à jour. Nous devons tous faire notre part pour assurer la sécurité des personnes vulnérables. Ne socialisez pas avec des personnes qui éprouvent des symptômes. Puisque les tests rapides ne sont pas toujours précis, ne pensez pas que vos symptômes ne sont pas causés par la COVID-19 parce que vous avez obtenu un résultat négatif.
  • Faites savoir aux politiciens, aux dirigeants et aux décideurs que vous trouvez cet enjeu important. Encouragez-les à donner suite aux initiatives pour améliorer les normes de ventilation, distribuer des masques et accroître le dépistage.

Dre Dawn Bowdish, professeure et boursière universitaire, Chaire de recherche du Canada sur le vieillissement et l’immunité, Université McMaster; directrice générale, Firestone Institute of Respiratory Health, St. Joseph’s Healthcare, Hamilton; chercheuse financée par le GTIC

Dr Jesse Papenburg, chercheur, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill; professeur adjoint, département de pédiatrie, faculté de médecine et des sciences de la santé, Université McGill; département de pédiatrie, division des maladies infectieuses, CUSM; conseiller scientifique du GTIC

Avez-vous des conseils à me donner pour protéger mes enfants contre la COVID-19 à la rentrée scolaire?


On s’attend à une autre vague de COVID-19 à la rentrée, quand les gens passeront plus de temps à l’intérieur. Heureusement, les enfants risquent beaucoup moins de contracter une maladie grave que les adultes. Néanmoins, plus d’enfants ont été hospitalisés à cause de la COVID-19 l’hiver dernier au Canada que pendant toute la période antérieure de la pandémie. Les affections chroniques accroissent le risque de COVID-19 grave, mais il est difficile de prédire quel enfant deviendra très malade, car environ la moitié de tous les enfants canadiens hospitalisés à cause de la COVID-19 ne présentait aucuns facteurs de risque connus. Par ailleurs, le syndrome inflammatoire multisystémique de l’enfant (SIME) est une complication très rare, mais grave et imprévisible, de l’infection par le SRAS-CoV-2. Enfin, selon les données récentes, environ 5 % à 10 % des enfants atteints de la COVID-19 éprouveront encore des symptômes persistants trois mois après l’infection.

Alors, que peuvent faire les familles pour limiter le plus possible les risques de COVID-19? On sait que la socialisation à l’extérieur (ou l’optimisation de la ventilation à l’intérieur), le port d’un masque bien ajusté à l’intérieur et le lavage fréquent des mains réduisent la transmission de la COVID-19 et d’autres virus respiratoires. Même si les vaccins ne préviennent pas les légères infections avec autant d’efficacité depuis Omicron, les études démontrent que la vaccination abaisse le risque d’hospitalisation de 40 % à 90 % chez les enfants et les adolescents.

Plus récemment, les enfants sont devenus admissibles à la vaccination dès l’âge de six mois. La sécurité vaccinale continue d’être surveillée de très près, et la surveillance de millions de vaccins de la série primaire administrés aux enfants de cinq à 11 ans aux États-Unis a établi que le vaccin était sécuritaire. Ainsi, les familles canadiennes sont encouragées à se prévaloir de cette forme de protection bien démontrée contre la COVID-19 en faisant vacciner les enfants admissibles, et à s’assurer que tous les membres de leur famille sont bien protégés, conformément à la campagne de rappel contre la COVID-19 de l’automne au Canada.