This evidence review was compiled by members of the CITF Secretariat with the input from experts affiliated with the CITF and does not necessarily reflect the views of all CITF members.

Par Mariana G. Bego

Les chauves-souris sont probablement les premiers porteurs du nouveau coronavirus qui s’est rapidement propagé hors de Chine et partout dans le monde. Ce sont des réservoirs viraux naturels de nombreux virus, ce qui inclut plusieurs coronavirus (voir la figure 1). En leur qualité de « réservoirs », les chauves-souris infectées par les coronavirus n’en ressentent souvent pas les effets, c’est-à-dire qu’elles les tolèrent sans tomber malades, mais peuvent infecter d’autres animaux, y compris les humains. On ne sait pas encore si   le virus responsable de la COVID-19, le SARS-CoV-2, a été transmis directement par des chauves-souris ou s’il a d’abord transité par  un hôte intermédiaire.  D’après la principale théorie sur l’origine de la pandémie   en cours, un virus a été transmis d’une chauve-souris à un autre animal il y a déjà un certain temps et a  muté chez cet animal pour former un variant en mesure d’infecter les humains.

 

Figure 1: Réservoirs primaires et hôtes intermédiaires des coronavirus humains et leur transmission entre espèces, qui est responsable d’infections chez les humains.

Un virus très semblable au SARS-CoV-2 a été découvert chez des chauves-souris d’un sanctuaire faunique de l’est de la Thaïlande. Ces résultats ont été publiés la semaine dernière dans un article de Nature Communications. Ils élargissent d’environ 5 000 km (ou 3 000 milles, voir la figure 2) le territoire sur lequel les virus liés au SARS-CoV-2 ont été découverts en Asie. Les auteurs ont colligé des échantillons dans une colonie d’environ 300 chauves- souris et dix pangolins provenant de pays indéterminés, établis dans trois postes de contrôle de la faune du centre et du sud de la Thaïlande. Ces pangolins ont été confisqués à des marchands illégaux et mis en quarantaine en vertu de la Loi sur les réserves et la protection des animaux sauvages. Dans ces échantillons, les chercheurs ont découvert des anticorps en mesure d’identifier et de neutraliser le virus de la pandémie actuelle. Ainsi, sur le plan morphologique et peut-être fonctionnel,  le virus  dont  ces animaux sont porteurs est très semblable à celui responsable de la pandémie actuelle chez les humains. Ces résultats renforcent l’hypothèse de la circulation de coronavirus liés au SARS-CoV-2 en Asie du Sud-Est, et les auteurs postulent que des coronavirus de ce type seraient présents chez les chauves-souris (et d’autres hôtes intermédiaires possibles) de nombreuses autres nations et régions d’Asie.

Figure 2: Régions d’Asie ou les coronavirus liés au SARS-CoV-2 ont été dépistés jusqu’à maintenant.

Lisez l’article ici, en anglais.

Qu’est-ce qui rend les chauves-souris si uniques comme réservoirs viraux ?

Une foule d’études démontre que les chauves-souris sont porteuses de plus de virus par espèce que tout autre mammifère sur Terre. Les chauves-souris ne tombent toutefois pas malades, car elles ont « appris » à coexister avec divers virus tout en les transmettant activement à d’autres animaux. Qu’est-ce qui les rend donc si uniques? D’abord, ce sont les seuls mammifères volants. Par rapport aux mammifères placentaires de même taille, elles ont une longévité enviable, puisqu’elles peuvent vivre jusqu’à quatre fois plus longtemps que leurs cousins terrestres. Par ailleurs, l’incidence de cancer est rare chez les chauves-souris, et certaines espèces en sont complètement épargnées. On a pu confirmer qu’elles possèdent un mécanisme de réparation de l’ADN et une immunocompétence supérieurs, de même qu’une faible propension à l’inflammation. Toutes ces qualités seraient liées à un seul élément, le vol! En effet, il faut beaucoup d’énergie pour voler, et cette forte demande métabolique endommage considérablement l’ADN. Ainsi, dans le cadre des adaptations qu’elles ont dû subir pour voler, les chauves-souris ont évolué jusqu’à ce qu’elles possèdent un mécanisme de captation et de réparation particulier. Ce mécanisme répare leur ADN avec rapidité et efficacité, ce qui explique leur faible incidence de cancer et leur extrême longévité. Il permet également à leurs cellules de répondre aux infections sans réaction exagérée, ce qui crée le parfait environnement à la fois pour l’hôte et les virus. Lorsqu’on aura compris le contrôle immunitaire des chauves-souris et qu’on connaîtra les virus dont ils sont porteurs et les forces écologiques responsables du transfert viral aux autres mammifères, nous espérons être mieux outillés pour répondre plus rapidement à la prochaine éclosion.

Informez-vous davantage sur les virus issus des chauves-souris ici (en anglais).

Chasser ou ne pas chasser… les virus!

Une vive controverse subsiste dans le milieu scientifique  quant  à la possibilité  de prédire les éclosions  et de les empêcher de s’introduire systématiquement dans divers réservoirs animaux, tels que les chauves- souris. Des initiatives comme le Global Virome Project (projet de virome mondial) visent à caractériser pleinement les virus qu’hébergent des animaux porteurs d’agents pathogènes en mesure d’infecter les humains. Une telle initiative coûterait environ 3,7 milliards de dollars américains sur les dix prochaines années. Ce type d’intervention  peut avoir  des  conséquences extraordinaires  sur  l’orientation  des recherches fondamentales en vue de la préparation globale aux éclosions. Les critiques prétendent que le séquençage de milliers de virus aurait des conséquences extraordinaires pour la science, mais qu’il ne suffirait peut-être pas pour prévenir la prochaine pandémie. Déjà en 2013, il était établi que des virus semblables au SARS-CoV-2 en circulation chez des chauves-souris sauvages avaient le potentiel d’infecter les cellules respiratoires des humains. Malheureusement, ce savoir n’a pas freiné la pandémie actuelle de COVID-19. Si nous connaissons les virus potentiellement très dangereux en circulation dans la nature, que devrions-nous faire autrement la prochaine fois?

Découvrez-en davantage sur le Global Virome Project ici, en anglais.