Cette synthèse de données probantes a été compilée par des membres du secrétariat du GTIC et ne représente pas nécessairement l’opinion de tous les membres du GTIC.

Par Mariana Bego

La vaccination est le principal mode de contrôle de la pandémie de COVID-19 de par le monde. Étant donné un déploiement aussi massif de vaccins, il est crucial d’en surveiller la sécurité, ce qui inclut le signalement systématique des rares événements indésirables et leur étude. Nous avons compilé et résumé les rapports des rares cas de coagulation anormale liés à deux vaccins contre la COVID-19.

 

Les insertions de vecteurs et de protéines spiculaires utilisées dans les trois vaccins à adénovirus déployés jusqu’à maintenant (AstraZeneca, Johnson & Johnson/Janssen et Spoutnik V) sont très différentes les unes des autres et pourraient avoir des effets biologiques très hétérogènes. Plusieurs sources ont sonné l’alarme devant de rares problèmes de coagulation liés aux vaccins d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson. Le fabricant du vaccin Spoutnik V n’a encore déclaré aucun problème de ce genre.

Des avantages supérieurs aux risques

Cela dit, les autorités en matière de réglementation continuent de recommander ces vaccins, car les risques de caillots sanguins qui leur sont attribuables sont extrêmement faibles (un cas sur 250 000) par rapport à ceux de souffrir de problèmes de coagulation à cause du SRAS-CoV-2, qui sont extrêmement élevés. En effet, dans une récente méta-analyse de 42 études auprès de plus de 8 000 patients, les chercheurs ont observé des troubles de la coagulation chez jusqu’à une personne infectée par le SRAS-CoV-2 sur cinq, lesquels s’associaient à un pronostic sombre et à un risque de décès plus élevé.

Comprendre les problèmes de coagulation anormale liés à ces vaccins

Le New England Journal of Medicine a récemment publié une série d’articles contenant une analyse détaillée de bon nombre des événements anormaux de thrombose associés à une thromboembolie (coagulation anormale) et de thrombopénie (nombre anormalement bas de plaquettes, les éléments du sang nécessaires pour former des caillots et prévenir les saignements). Ces caillots, qui sont temporairement liés aux vaccins d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson, se manifestent dans des parties inhabituelles de l’organisme, telles que le cerveau ou l’abdomen. Les patients éprouvent les caractéristiques d’une affection qu’on appelle thrombopénie induite par l’héparine, un rare effet secondaire parfois observé chez des personnes qui ont pris de l’héparine, un anticoagulant. Ce type de thrombopénie se manifeste lorsque l’héparine se lie au facteur plaquettaire 4 (FP4), une protéine qui incite le système immunitaire à fabriquer des anticorps contre le FP4, lesquels finissent par détruire les plaquettes et à libérer les facteurs de coagulation. Les personnes vaccinées n’ont toutefois pas été en contact avec de l’héparine, et les composants du vaccin responsables de la réponse immunitaire indésirable contre le FP4 n’ont pas été décelés. Selon une récente prépublication, qui n’a pas encore été évaluée par un comité de lecture, certains des effets secondaires observés pourraient découler directement de certains composants contenus dans la formulation du vaccin.

Dans les rapports énumérés ci-dessous, les auteurs décrivent la présence d’anticorps anti-FP4 chez des patients qui ont reçu le vaccin d’AstraZeneca (études 1 à 3) ou de Johnson & Johnson (étude 4).

  1. Greinacher et ses collègues ont étudié 11 patients d’Allemagne et d’Autriche (âgés de 22 à 49 ans, dont neuf femmes).
  2. Schultz et ses collègues ont décrit les résultats cliniques de cinq travailleurs de la santé norvégiens (âgés de 32 à 54 ans, dont quatre femmes).
  3. Scully et ses collègues ont rendu compte des observations auprès de 23 patients britanniques. Ces patients avaient un âge médian de 46 ans (ils étaient âgés de 21 à 77 ans, mais 70 % avaient moins de 50 ans), et 61 % (14 sur 23) étaient de sexe féminin.
  4. Muir et ses collègues, aux États-Unis, ont fait l’étude du cas d’une patiente de moins de 50 ans.

Il semble y avoir un lien précoce, mais non confirmé, entre ces événements et des jeunes femmes autrement en santé, mais les relations relatives à l’âge et au sexe pourraient être fortement biaisées. En effet, de nombreux pays ont priorisé la vaccination des travailleurs de la santé, qui sont majoritairement des femmes. De plus, les caillots sanguins et les accidents vasculaires cérébraux peuvent faire l’objet d’examens plus approfondis chez les jeunes vaccinés, car ces événements sont généralement plus fréquents chez les personnes plus âgées. Néanmoins, il est important de dépister rapidement ce rare syndrome pathogène FP4-dépendant, car des traitements existent.

 

Pour en savoir plus, consultez les études citées :

  1. Greinacher A, Thiele T, Warkentin TE, Weisser K, Kyrle PA, Eichinger S. (2021) Thrombotic thrombocytopenia after ChAdOx1 nCov-19 vaccination. N Engl J Med. doi : 10.1056/NEJMoa2104840.
  2. Schultz NH, Sørvoll IH, Michelsen AE et coll. (2021) Thrombosis and thrombocytopenia after ChAdOx1 nCoV-19 vaccination. N Engl J Med. doi : 10.1056/NEJMoa2104882.
  3. Scully Marie, Singh Deepak, Lown Robert, Poles Anthony, Solomon Thomas, Levi Marcel, Goldblatt David, Kotoucek Pavel, Thomas William, Lester William. (2021) Pathologic Antibodies to Platelet Factor 4 after ChAdOx1 nCoV-19 Vaccination. N Engl J Med. doi : 10.1056/NEJMoa2105385.
  4. Muir Kate-Lynn, Kallam Avyakta, Koepsell Scott A., Gundabolu Krishna. (2021) Thrombotic Thrombocytopenia after Ad26.COV2.S Vaccination. N Engl J Med. doi : 10.1056/NEJMc2105869.