Ceci est un résumé, rédigé par les membres du Secrétariat du GTIC, de :

  1. Cines DB, Bussel JB. SARS-CoV-2 vaccine–induced immune thrombotic thrombocytopenia. N Engl J Med. Le 10 juin 2021; 384:2254-2256. doi: 10.1056/NEJMe2106315.
  2. Bourguignon A, Arnold DM, Warkentin TE, Smith JW, Pannu T, Shrum JM, Al Maqrashi ZAA, Shroff A, Lessard M-C, Blais N, Kelton JG, Nazy I. Adjunct immune globulin for vaccine-induced thrombotic thrombocytopenia. N Engl J Med. Le 9 juin 2021. doi: 10.1056/NEJMoa2107051
  3. Scully M, Singh D, Lown R, Poles A, Solomon T, Levi M, Goldblatt D, Kotoucek P, Thomas W, Lester W. Pathologic antibodies to platelet factor 4 after ChAdOx1 nCoV-19 vaccination. N Engl J Med. Le 10 juin 2021; 384:2202-2211. doi: 10.1056/NEJMoa2105385.
  4. Sadoff J, Gray G, Vandebosch A, Cárdenas V, Shukarev G, Grinsztejn B, Goepfert PA, Truyers C, Fennema H, Spiessens B, Offergeld K, Scheper G, Taylor KL, Robb ML, Treanor J, Barouch DH, Stoddard J, Ryser MF, Marovich MA, Neuzil KM, Corey L, Cauwenberghs N, Tanner T, Hardt K, Ruiz-Guiñazú J, Le Gars M, Schuitemaker H, Van Hoof J, Struyf F, Douoguih M, ENSEMBLE Study Group. Safety and efficacy of single-dose Ad26.COV2.S vaccine against Covid-19. N Engl J Med. Le 10 juin 2021; 384:2187-2201. doi: 10.1056/NEJMoa2101544.

Les résultats et/ou conclusions contenus dans cette recherche ne reflètent pas nécessairement les opinions de tous les membres du GTIC.

Alors que de plus en plus de gens sont vaccinés dans le monde pour lutter contre la pandémie de COVID-19, quelques rares cas d’événements indésirables causés par des caillots sanguins ou une thrombopénie immune ont été signalés après l’administration du vaccin à vecteur adénoviral ChAdOx1 nCoV-19 d’Oxford-AstraZeneca ou du vaccin de Johnson & Johnson/Janssen1. Le Pr Ishac Nazy, un chercheur financé par le GTIC, a récemment publié un article dans The New England Journal of Medicine (NEJM) sur des rapports de cas détaillant le diagnostic de trois patients atteints de thrombopénie thrombotique immune induite par un vaccin (TTIV)2. L’article traite également des effets des immunoglobulines intraveineuses (IgIV) associées à un traitement anticoagulant pour prendre cette affection en charge. Le Pr Nazy contribue aux récentes publications sur le sujet, résumées ci-dessous.

Faits saillants

  • La TTIV, qui peut être diagnostiquée au moyen d’un dosage immunologique enzymatique (DIE) contre les complexes FP4-polyanion et par un test d’activation plaquettaire fonctionnel, a tendance à se manifester par une baisse des plaquettes, une augmentation des D-dimères et un taux de fibrinogène dans le seuil normal-bas.
  • Un traitement précoce aux IgIV après l’hospitalisation peut favoriser le rétablissement de la numération plaquettaire, la diminution des taux de D-dimères et une augmentation des taux de fibrinogène, qui expliquent la baisse de l’hypercoagulabilité.

Le rapport du Pr Nazy portait sur trois patients, soit deux hommes et une femme de 63 à 72 ans. Tous trois ont contracté des symptômes liés à la thrombopénie (douleurs des membres, crampes, céphalées, confusion) entre la première et la troisième semaine suivant la vaccination. Les cliniciens ont constaté que l’administration d’IgIV favorisait un rétablissement spectaculaire de la numération plaquettaire dans un délai de deux à trois jours, sans démonstration clinique d’évolution de la thrombose après le traitement. Ils ont également observé que les patients avaient commencé par présenter des taux élevés de D-dimères et normaux-bas de fibrinogène (facteurs liés aux caillots dans le sang), indicateurs d’une coagulation intravasculaire. Après l’administration d’IgIV, les taux de D-dimère et de fibrinogène se sont rétablis, et les numérations plaquettaires aussi. Enfin, le sérum de ces patients était fortement positif aux anticorps contre le facteur plaquettaire 4 (FP4) d’après le DIE. Aucune diminution régulière du DIE n’a été observée après le traitement aux IgIV, mais les patients ont démontré une réduction considérable de l’activation plaquettaire après une ou deux doses d’IgIV. Dans l’ensemble, les cliniciens veulent utiliser ces observations pour éclairer les stratégies diagnostiques et thérapeutiques de la TTIV.

Conjointement avec l’article du Pr Nazy, le NEJM a publié de multiples articles sur la TTIV. Scully et ses collègues ont décrit les cas de 23 patients qui ont souffert de thrombose et de thrombopénie de six à 24 jours après la première dose du vaccin d’AstraZeneca. Les tests effectués chez presque tous les patients ont révélé la présence d’anticorps au FP4. Selon les chercheurs, il est essentiel de dépister cette affection rapidement pour en assurer la prise en charge thérapeutique. Le rapport du Pr Nazy complétera probablement cette étude et répondra à ce besoin.

Par ailleurs, une étude clinique de phase 3 sur l’innocuité et l’efficacité du vaccin unidose de Johnson & Johnson démontre un taux d’efficacité vaccinale élevé contre une maladie grave ou très grave, y compris l’hospitalisation et la mort4. Cependant, les chercheurs ont observé des thromboembolies veineuses (11 dans le groupe vacciné et trois dans le groupe ayant reçu un placebo) attribuées à une maladie sous-jacente ou à d’autres facteurs prédisposants. Les chercheurs sont également à évaluer si ces thromboses étaient liées aux TTIV observées en réponse au vaccin d’AstraZeneca.

Enfin, le NEJM a également publié un éditorial1 qui décrit des cas de thrombopénie chez des personnes ayant reçu le vaccin d’AstraZeneca. En général, les personnes souffrant de ce grave effet indésirable lié à un taux de mortalité de 40 % étaient généralement en santé ou dans un état stable sur le plan médical. La plupart étaient des femmes de moins de 50 ans, et certaines prenaient une œstrogénothérapie substitutive ou des contraceptifs. Chez une forte proportion de ces patients, le siège des incidents thrombotiques était inhabituel. Néanmoins, dans bien des cas, leur numération plaquettaire était faible, leur taux de D-dimères, élevé et leur taux de fibrinogènes, bas, ce qui est indicateur d’une activation systémique de la coagulation ou des caillots. Chez presque tous les patients, le DIA et les dosages évaluant l’activation plaquettaire ont révélé de forts taux d’anticorps contre le FP4. Les auteurs ont avancé que les IgIV pouvaient aussi améliorer le pronostic des patients si elles s’associaient à un dépistage et une intervention précoces.

Dans l’ensemble, les cliniciens qui ont rédigé l’éditorial1 indiquent que la véritable incidence de TTIV est évaluée à un cas sur 100 000 vaccinés par rapport à 0,22 à 1,57 cas sur 100 000 membres de la population générale. D’autres études s’imposent pour comprendre et prendre en charge ce grave effet indésirable. Les auteurs soulignent qu’on ne sait pas encore quel composant du vaccin peut être responsable d’une nouvelle réponse ou d’une réponse de rappel à la protéine FP4. Pour l’instant, de nombreux pays ont imposé des limites à l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca. De même, l’administration du vaccin à une dose de Johnson & Johnson a été interrompue dans de nombreux pays jusqu’à ce que certaines populations puissent être considérées comme des candidats appropriés à les recevoir ou que des méthodologies soient mises au point pour mieux prendre cette complication en charge.