Cette synthèse de données probantes a été compilée par des membres du secrétariat du GTIC et ne représente pas nécessairement l’opinion de tous les membres du GTIC.

En raison de l’arrivée du variant omicron et de la menace latente d’autres variants préoccupants, tout le monde se demande quelle est la durée de l’immunité contre le SRAS-CoV-2. Il est impossible de comprendre pleinement le processus de protection contre l’infection par le SRAS-CoV-2 et contre la maladie dont le virus est responsable (la COVID-19) sans véritables données concrètes sur l’immunité et la récurrence. Puisque le SRAS-CoV-2 est encore relativement récent, la durée de l’immunité demeure une question de recherche très active. Les données sont colligées et analysées en temps réel. Les experts du GTIC font partie de ceux qui se penchent sur cet enjeu. C’est pourquoi nous proposons un aperçu mondial de l’état actuel de la science.

La mémoire immunitaire : un aperçu

Le rétablissement d’une infection virale est généralement suivi d’une période de mémoire immunologique. Après avoir lutté contre une infection, des lymphocytes B producteurs d’anticorps sombrent dans un état de dormance qu’on appelle les lymphocytes B mémoires. Ceux-ci persistent dans l’organisme, dans l’attente patiente de leur prochaine confrontation avec le virus contre lequel ils ont été stimulés. Les lymphocytes T entrent également en dormance, mais se souviennent de l’intrus viral et se tiennent prêts à réagir rapidement par une réponse immunitaire qui tuera directement les cellules infectées lors de toute rencontre ultérieure.

C’est le principe même de la vaccination : le système immunitaire est exposé à un fragment protéique inoffensif d’un virus, qui déclenche une réponse immunitaire responsable de la production d’anticorps et de lymphocytes T en vue de futures expositions au virus.

En temps normal, s’ils ne sont pas sollicités, les anticorps s’estompent sur une période de quelques mois à quelques années. L’immunité acquise contre certains virus, y compris la grippe et les coronavirus saisonniers responsables du rhume banal, diminuent également, car l’évolution génétique du virus lui permet d’échapper aux réponses immunitaires préprogrammées (1-3). Par conséquent, la plupart des programmes de vaccination prévoient des doses supplémentaires des vaccins, qu’on appelle les doses de rappel. Comme leur nom l’indique, ces doses de rappel, administrées un certain temps après les premières doses (ou doses primaires), contribuent à stimuler le système immunitaire par la réexposition. Les lymphocytes B et T mémoires sont appelés à réagir et à rendre leur réponse immunitaire plus durable. Ainsi, les doses de rappel sont utiles parce qu’elles élèvent l’immunité au même niveau que lors de la première exposition, sinon plus.

Pourquoi a-t-on besoin de doses de rappel contre la COVID-19?

Partie un : la baisse de l’immunité

Chez la plupart des Canadiens, l’immunité a probablement diminué dans les mois qui ont suivi la dernière dose du vaccin. Ils ont besoin d’y être réexposés, et la dose de rappel représente la solution idéale.

  1. Les infections postvaccinales plus fréquentes plusieurs mois après la vaccination
    Dans des recherches émergentes provenant d’Israël, des chercheurs ont comparé des personnes de 60 ans et plus qui ont reçu une troisième dose du vaccin Comirnaty de Pfizer-BioNTech à celles qui n’en avaient reçu que deux doses et ont établi qu’après la troisième dose, les vaccinés risquaient 11 fois moins une infection postvaccinale et 20 fois moins d’être gravement malades après avoir contracté la COVID-19 (4). De récentes prépublications (qui n’ont pas encore été révisées par un comité de lecture) démontrent que la troisième dose d’un vaccin à ARNm peut accroître nettement l’efficacité vaccinale à la fois contre le variant delta et le variant omicron (5,6). Selon les données préliminaires de ces études, une dose de rappel contribue à éviter la baisse de l’immunité, particulièrement contre les variants émergents.
  2. Les taux d’anticorps diminuent au fil du temps
    À l’heure actuelle, les données sont insuffisantes pour définir une unité mesurable d’immunité (le corrélat de protection) qui détermine si une personne est protégée contre l’infection. Cependant, on sait que le pic moyen de neutralisation (c’est-à-dire la capacité de bloquer le vaccin) des titres d’anticorps et des anticorps spiculaires anti-SRAS-CoV-2 est fortement corrélé avec un risque d’infection plus faible (7,8). De multiples études financées par le Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19 (GTIC) démontrent que les anticorps anti-SRAS-CoV-2 diminuent considérablement au fil du temps après l’infection ou la vaccination (9-15).

Partie deux : l’évasion immunitaire

Puisque les modifications génétiques aident les virus à échapper à l’immunité acquise, il n’est pas surprenant que des souches du SRAS-CoV-2 ayant subi d’importantes mutations, comme le variant omicron, seront responsables d’un plus grand nombre de réinfections et d’infections postvaccinales. En effet, selon des études récentes qui n’ont pas encore été révisées par un comité de lecture, le taux de réinfection par le variant omicron est au moins trois fois plus élevé que celui causé par le variant delta (16,17). Non seulement le variant omicron a-t-il émergé à un moment où de larges pans de la population présentaient une baisse de l’immunité contre le SRAS-CoV-2, mais ses multiples mutations lui ont également permis d’échapper à l’immunité existante.

Une dose supplémentaire du vaccin plus efficace contre des variants aux mutations importantes

Deux rapports prépubliés en provenance de l’Australie et d’Israël ont démontré qu’une troisième dose du vaccin de Pfizer-BioNTech accroît considérablement les anticorps neutralisants qui reconnaissent la souche originale du SRAS-CoV-2, de même que les variants delta et omicron (18,19). De plus, selon un nombre croissant de données probantes, même si les anticorps contre la souche originale du SRAS-CoV-2 sont moins spécifiques aux variants, de plus forts taux de ces anticorps peuvent tout de même être efficaces pour contrer l’infection (20,21). Puisque les doses de rappel contribuent à accroître le taux d’anticorps, elles sont particulièrement utiles contre les variants émergents. La possibilité d’une évasion immunitaire constitue donc la deuxième raison pour laquelle il est pressant d’administrer la dose de rappel à la population canadienne.

Par ailleurs, les recherches du GTIC ont confirmé que les lymphocytes T spécifiques au virus persistent au moins neuf mois après une première exposition (21). Contrairement à ce que font les anticorps, les lymphocytes T seraient toujours en mesure de reconnaître facilement le SRAS-CoV-2, malgré les mutations importantes causées par le variant omicron (23,24).

Les recherches du GTIC sur la durabilité

Le GTIC finance plusieurs projets de recherche visant à comprendre la durée de l’immunité contre le SRAS-CoV-2. Des études auprès de Canadiens âgés (tels que les résidents d’établissements de soins de longue durée) et de personnes courant un risque plus élevé en raison d’autres maladies (telles que celles qui sont immunodéprimées) ont bifurqué pour surveiller la valeur ajoutée d’une troisième dose (25-27). Des doses de rappel ont été administrées en octobre 2021 à ces populations plus vulnérables, conformément aux recommandations du Comité consultatif national de l’immunisation.

De plus, le Réseau de collaboration provincial (PCN) du Réseau canadien de recherche sur l’immunisation (CIRN), financé en partie par le GTIC, a publié des rapports sur l’efficacité de deux doses d’un vaccin contre l’infection symptomatique par le SRAS-CoV-2 et de graves résultats cliniques (28,29). En fait, ce réseau a déjà commencé à surveiller l’incidence et la gravité des infections postvaccinales contractées depuis l’apparition du variant omicron (6).

En plus de ses multiples études populationnelles, le GTIC finance plusieurs études axées sur la science immunitaire et le dépistage. L’information qui découle de ces études est essentielle pour comprendre la profondeur, la portée et la persistance des réponses immunitaires à l’infection par la COVID-19 et à la vaccination contre cette maladie (14,15,22,30-32).

Conclusion

La meilleure protection contre le SRAS-CoV-2 provient de la vaccination. Pour profiter d’une protection optimale, chacun doit recevoir une dose de rappel lorsqu’elle est disponible, même après avoir été infecté, tout en continuant à respecter les mesures sanitaires. Compte tenu des mutations du variant omicron et de la transmissibilité accrue du virus, la dose de rappel est devenue incontournable, même chez les adultes vaccinés en bonne santé. Les vaccins actuels ont été mis au point en fonction de la souche originale du SRAS-CoV-2, mais les études préliminaires de diverses parties du monde concluent toutes qu’une dose de rappel confère une protection supplémentaire contre les importantes mutations du variant omicron.

Références

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  2. Eguia RT, Crawford KHD, Stevens-Ayers T, Kelnhofer-Millevolte L, Greninger AL, Englund JA et coll. A human coronavirus evolves antigenically to escape antibody immunity. PLoS Pathog. 2021;17(4):e1009453.
  3. Edridge AWD, Kaczorowska J, Hoste ACR, Bakker M, Klein M, Loens K et coll. Seasonal coronavirus protective immunity is short-lasting. Nat Med. 2020;26(11):1691-3.
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