Cette synthèse de données probantes a été compilée par des membres du secrétariat du GTIC et ne représente pas nécessairement l’opinion de tous les membres du GTIC.

Alors que la plupart des personnes infectées par le SRAS-CoV-2 se rétablissent de 2 à 4 semaines plus tard sans trop de complications, chez certains adultes et enfants les symptômes persistent longtemps après l’infection(1). Cette maladie, que l’on appelle communément la « COVID longue », est extrêmement préoccupante en raison du grand nombre de personnes atteintes, des problèmes de santé importants qu’elle entraîne pour celles-ci et de ses répercussions sur les systèmes de santé et les économies(2). 

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui emploie l’appellation « affection post-COVID-19 », la COVID longue prend la forme de divers symptômes persistants qui affectent les personnes chez qui la COVID-19 a été confirmée :

  1. dont les symptômes sont toujours présents (ou réapparaissent) trois mois après le diagnostic initial d’infection au SRAS-CoV-2;
  2. dont les symptômes durent au moins deux mois;
  3. dont les symptômes ne peuvent être expliqués par un autre diagnostic(3).

Les symptômes fréquemment signalés comprennent la perte durable de l’odorat / du goût, l’essoufflement, des douleurs à la poitrine, un dysfonctionnement cognitif (« brouillard cérébral »), l’anxiété et la dépression(4). L’étendue des symptômes rapportés reflète les répercussions que cette maladie peut avoir sur plusieurs systèmes de l’organisme. Bien que l’on en sache encore très peu sur les causes sous-jacentes de la maladie, il est évident qu’elle peut affecter les personnes de tous âges et que la gravité de l’infection initiale ne permet pas de prédire son apparition. D’après les premières données probantes, la vaccination pourrait avoir un effet protecteur contre la COVID longue(5-7).

On estime à l’heure actuelle que près d’une personne sur 10 ayant contracté la COVID-19 (personnes hospitalisées et non hospitalisées) peut développer la COVID longue, ce qui équivaudrait à plus de 16 millions de personnes à l’échelle mondiale(5).

Évaluation des mécanismes de la COVID longue

Le mécanisme exact qui entraîne la COVID longue est encore mal compris, mais des chercheurs ont avancé que la persistance des antigènes viraux pendant des mois après l’infection et des réponses immunitaires aberrantes ou anormales pourraient faire partie des causes de cette maladie(2, 6, 7). Il est toutefois évident que les patients peuvent ressentir tout un éventail de symptômes(4). Une étude axée sur les patients – comptant 3 762 personnes de 56 pays ayant répondu à un sondage sur la COVID longue – a permis de décrire le plus grand ensemble de symptômes (203 symptômes, touchant 10 systèmes de l’organisme), classés en trois groupes selon leur gravité et leur durée, qui peut atteindre sept mois(8).

Peu d’études ont fait la démonstration des liens possibles entre cette maladie et le système immunitaire. Selon une vaste étude de cohorte sur des personnes hospitalisées pour la COVID-19, la COVID longue pourrait être associée à un taux plus faible d’anticorps anti-SRAS-CoV-2 après deux mois et après six mois suivant la sortie d’hôpital(5). D’autres études laissent également croire que des autoanticorps produits après l’infection au SRAS-CoV-2 s’attaqueraient au système immunitaire lui-même ou à ses cellules, ce qui pourrait entraîner des lésions cellulaires(9,10). Des rapports avancent aussi que la COVID longue pourrait présenter des caractéristiques typiques d’autres maladies auto-immunes, comme des concentrations élevées de cytokines dans le sérum qui durent plus de huit mois après l’infection, engendrant une inflammation persistante(11, 12). Collectivement, ces études pointent vers une contribution de composantes virales et immunitaires à la pathophysiologie de la COVID longue.

Phénomène intéressant, les symptômes persistants ont une ressemblance frappante avec ceux du syndrome de fatigue chronique, aussi appelé encéphalomyélite myalgique, observé après d’autres infections virales ou bactériennes. Par exemple, on note plusieurs ressemblances entre le chikungunya et la COVID-19, les deux infections étant associées à des symptômes variés et persistants(1). Par conséquent, les leçons retenues au sujet d’autres maladies pourraient servir à percer les mystères des mécanismes de la COVID longue et à trouver d’éventuelles stratégies de traitement.

Profil des patients

Des études observationnelles de cohorte, comme l’étude PHOSP-COVID au Royaume-Uni(11), indiquent que la COVID longue est plus répandue chez les femmes que chez les hommes. Dans le cadre d’une étude menée au Royaume-Uni et publiée dans la revue Nature(13), des chercheurs ont suivi les symptômes de COVID-19 de 4 182 personnes ayant déjà reçu un résultat positif au SRAS-CoV-2. Près de 13,3 % des patients ont ressenti des symptômes qui ont duré plus de 28 jours. Ces personnes étaient en général plus susceptibles d’être de sexe féminin et plus âgées, en plus d’avoir ressenti un plus grand nombre de symptômes pendant la première semaine suivant une infection au SRAS-CoV-2 aiguë(13). Récemment, une autre étude de cohorte multicentrique portant sur près de 2 000 patients de quatre hôpitaux à Madrid, en Espagne, corroborait ces observations(7). Enfin, bien que chez les enfants la COVID-19 est habituellement associée à des symptômes légers, une vaste étude de cohorte prospective réalisée par des représentants de la santé publique au Royaume-Uni a révélé que les symptômes peuvent également se prolonger chez certains enfants(14). Il faudra d’autres études pour déterminer si certaines populations sont touchées de façon disproportionnée par la COVID longue.

Vaccination et COVID longue

On ne sait toujours pas si la vaccination peut être utile contre cette maladie ou si une infection postvaccinale chez une personne pleinement vaccinée pourrait aussi mener à la COVID longue. Dans le cadre d’une étude préliminaire menée au Royaume-Uni, 57 % des personnes atteintes de la COVID longue ont rapporté une amélioration de leurs symptômes, 24 % n’ont rapporté aucun changement et près de 19 % ont rapporté une détérioration de leur état après une dose de vaccin(15). Une autre étude, publiée dans la revue Lancet Infectious Diseases et consistant à évaluer le profil de la maladie de personnes du Royaume-Uni ayant contracté une infection postvaccinale, a révélé que la probabilité que les symptômes de la COVID-19 durent 28 jours ou plus chutait d’environ 50 % chez les personnes qui avaient reçu deux doses de vaccin(16). Dans la même optique, une prépublication sur une étude réalisée en Israël – donc n’ayant pas été révisée par un comité de lecture – fait état d’une évaluation de la fréquence de symptômes d’affection post-COVID-19 (tels que la fatigue, les maux de tête, la faiblesse et les douleurs musculaires) après la vaccination au sein d’une cohorte formée de 951 personnes infectées et 2 437 personnes non infectées. De façon générale, la vaccination comprenant au moins deux doses était associée à une diminution importante de la plupart de ces symptômes(17). Globalement, les premières données probantes laissent croire que la vaccination pourrait avoir un effet protecteur contre la COVID longue. Cependant, d’autres études seront nécessaires, en particulier sur les stratégies de combinaison des vaccins (comme celles appliquées au Canada).

Interventions à l’échelle mondiale

En raison des répercussions graves de la COVID longue sur diverses facettes de la vie d’une personne(18) et du fardeau global de la maladie sur la santé et l’économie dans le monde, les recherches sur la COVID longue et les traitements possibles demeureront une grande priorité à court terme. Dans cette optique, des organismes du monde entier œuvrant en santé et en recherche se mobilisent rapidement afin de mieux comprendre et combattre la COVID longue. Par exemple, les National Health Services (NHS) du Royaume-Uni ont investi plus de 10 M£ dans la création d’un réseau de 69 cliniques spécialisées dans l’affection post-COVID-19. Toujours au Royaume-Uni, le National Institute for Health Research (NIHR) et UK Research and Innovation (UKRI) ont investi environ 25 M£ pour mieux comprendre les effets à long terme de la COVID-19 sur la santé physique et mentale des patients et environ 20 M£ dans la recherche portant sur les adultes et les enfants non hospitalisés qui vivent avec la COVID longue. Une étude (HEAL-COVID) consiste à tester des solutions thérapeutiques en examinant l’efficacité de deux médicaments (un anticoagulant pour réduire le risque de caillots sanguins et un anti-inflammatoire pour contrôler l’inflammation) chez des patients après leur sortie de l’hôpital. Entre-temps, aux États-Unis, les National Institutes of Health ont consacré 1,15 G$ US à la création de l’initiative NIH PASC (Post-Acute Sequelae of SARS-CoV-2 Infection Initiative), visant à comprendre les fondements biologiques de la COVID longue et les facteurs qui contribuent à la vulnérabilité à cette maladie(11).

Au Canada, la fréquence globale de la COVID longue est plutôt mal connue. Dans une étude de cohorte prospective à Vancouver datant de novembre 2020, on indiquait que plus de 75 % des patients présentaient des résultats thérapeutiques anormaux trois mois après le début de leurs symptômes, dont le tiers ont rapporté une baisse au minimum modérée de leur qualité de vie(19). Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et le Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19 (GTIC) ont récemment financé 41 études(20), toujours en cours, visant à évaluer les répercussions à grande échelle de la COVID longue sur la population canadienne. L’un de ces projets est l’Étude de cohorte prospective de la COVID-19 au Canada (CanCOV), qui consiste à suivre 2 000 patients (1 000 non hospitalisés et 1 000 hospitalisés) ayant déjà contracté une infection au SRAS-CoV-2 et 500 proches aidants partout au Canada (au Québec, en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique) pendant une période pouvant atteindre un an. L’étude CanCOV examine un vaste éventail de facteurs liés à la COVID longue (génomique, épigénomique, dépistage des anticorps et analyses immunologiques)(22). La liste des études financées par le GTIC qui portent sur les mécanismes et traitements possibles de la COVID longue est publiée sur son site Web(23).

L’Agence de la santé publique du Canada (PHAC), dans une déclaration publiée récemment, reconnaissait l’impact de la COVID longue et faisait état des initiatives visant à soutenir les personnes atteintes(21). Le soutien adéquat aux patients figure constamment parmi les grandes priorités nommées par les organismes des milieux de la recherche, de la santé et de la défense des patients. Bien que le Canada compte quelques cliniques offrant des soins spécialisés aux patients atteints de la COVID longue, il faudra davantage d’établissements offrant des soins multidisciplinaires pour répondre à la demande croissante. Globalement, les efforts visant à mieux comprendre cette maladie dans un contexte canadien sont indispensables, afin que les patients puissent obtenir les soins et le soutien auxquels ils sont en droit de s’attendre.

Références

1)   Carson, G., Long Covid Forum Group. Research priorities for Long Covid: refined through an international multi-stakeholder forum. BMC Med. 19, 84. 2021. https://doi.org/10.1186/s12916-021-01947-0

2) Selina Rajan et coll. In the wake of the pandemic: Preparing for Long COVID. OMS, ISSN : 19978073

3) Soriano JB, Murthy S, Marshall JC, Relan P, Diaz JV, Group WC. A clinical case definition of post-COVID-19 condition by a Delphi consensus. The Lancet Infectious Diseases. 2021, 21 déc.

4) Nalbandian A, Sehgal K, Gupta A, Madhavan MV, McGroder C, Stevens JS, Cook JR, Nordvig AS, Shalev D, Sehrawat TS, Ahluwalia N. Post-acute COVID-19 syndrome. Nature medicine. 2021, avr.;27(4):601-15.

5) García-Abellán J, Padilla S, Fernández-González M, García JA, Agulló V, Andreo M, Ruiz S, Galiana A, Gutiérrez F, Masiá M. Antibody response to SARS-CoV-2 is associated with long-term clinical outcome in patients with COVID-19: a longitudinal study. Journal of clinical immunology. 2021, oct.;41(7):1490-501.

6) Gaebler C, Wang Z, Lorenzi JC, Muecksch F, Finkin S, Tokuyama M, Cho A, Jankovic M, Schaefer-Babajew D, Oliveira TY, Cipolla M. Evolution of antibody immunity to SARS-CoV-2. Nature. 2021, mars;591(7851):639-44.

7) Fernández-de-Las-Peñas C, Pellicer-Valero OJ, Navarro-Pardo E, Palacios-Ceña D, Florencio LL, Guijarro C, Martín-Guerrero JD. Symptoms Experienced at the Acute Phase of SARS-CoV-2 Infection as Risk Factor of Long-term Post-COVID Symptoms: The LONG-COVID-EXP-CM Multicenter Study. International Journal of Infectious Diseases. 2022, 10 janv.

8) Davis HE, Assaf GS, McCorkell L, Wei H, Low RJ, Re’em Y, Redfield S, Austin JP, Akrami A. Characterizing long COVID in an international cohort: 7 months of symptoms and their impact. Accessible à : SSRN 3820561. 2021, 6 avr.

9) Bastard P, Rosen LB, Zhang Q, Michailidis E, Hoffmann HH, Zhang Y, Dorgham K, Philippot Q, Rosain J, Béziat V, Manry J. Autoantibodies against type I IFNs in patients with life-threatening COVID-19. Science. 2020, 23 oct.;370(6515).

10) Zuo Y, Estes SK, Ali RA, Gandhi AA, Yalavarthi S, Shi H, Sule G, Gockman K, Madison JA, Zuo M, Yadav V. Prothrombotic autoantibodies in serum from hospitalized patients with COVID-19. Science translational medicine. 2020, 18 nov.;12(570).

11) Marshall M. The four most urgent questions about long COVID. Nature. 2021, 1er juin;594(7862):168-70.

12) Alwan NA. The road to addressing Long Covid. Science. 2021, 30 juil.;373(6554):491-3.

13) Sudre CH, Murray B, Varsavsky T, Graham MS, Penfold RS, Bowyer RC, Pujol JC, Klaser K, Antonelli M, Canas LS, Molteni E. Attributes and predictors of long COVID. Nature medicine. 2021, avr.;27(4):626-31.

14) Molteni E, Sudre CH, Canas LS, Bhopal SS, Hughes RC, Antonelli M, Murray B, Kläser K, Kerfoot E, Chen L, Deng J. Illness duration and symptom profile in symptomatic UK school-aged children tested for SARS-CoV-2. The Lancet Child & Adolescent Health. 2021 Oct 1;5(10):708-18.

15) Strain WD, Sherwood O, Banerjee A, van der Togt V, Hishmeh L, Rossman J. The impact of COVID vaccination on symptoms of Long COVID. An international survey of people with lived experience of long COVID.

16) Antonelli M, Penfold RS, Merino J, Sudre CH, Molteni E, Berry S, Canas LS, Graham MS, Klaser K, Modat M, Murray B. Risk factors and disease profile of post-vaccination SARS-CoV-2 infection in UK users of the COVID Symptom Study app: a prospective, community-based, nested, case-control study. The Lancet Infectious Diseases. 2022, 1er janv.;22(1):43-55.

17) Kuodi P, Gorelik Y, Zayyad H, Wertheim O, Wiegler KB, Jabal KA, Dror A, Nazzal S, Glikman D, Edelstein M. Association between vaccination status and reported incidence of post-acute COVID-19 symptoms in Israel: a cross-sectional study of patients infected between March 2020 and November 2021. medRxiv. 2022, 1er janv.

18) Selina Rajan et coll. In the wake of the pandemic: Preparing for Long COVID. OMS, ISSN : 19978073

19) Wong AW, Shah AS, Johnston JC, Carlsten C, Ryerson CJ. Patient-reported outcome measures after COVID-19: a prospective cohort study. European Respiratory Journal. 2020, 1er nov.;56(5).

20) 19)        CIHR Funding Decisions Database. Op Grant Emerging COVID-19 Research Gaps Priorities – Post COVID-19 condition.

21) ASPC. Déclaration de l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, le 7 juillet 2021.

22)   CANCOV : Piliers du programme de recherche : Cliquer pour consulter.

23) GTIC : Liste des études sur la COVID longue financées : Cliquer pour consulter.