Ce texte a été rédigé par des membres du secrétariat du GTIC. Les résultats ou les conclusions contenus dans l’étude ne reflètent pas nécessairement les points de vue de tous les membres du GTIC.

Avec l’évolution de la pandémie de COVID-19 et l’apparition de nouveaux variants du SRAS-CoV-2, dans le monde entier, on observe des incidents d’infections postvaccinales chez les personnes vaccinées et de réinfections chez celles qui ont déjà été infectées. Maintenant que les restrictions sont levées, il est important de comprendre les effets de la vaccination conjuguée à l’infection (immunité hybride) et de l’infection seule pour mieux éclairer les politiques publiques et les recommandations destinées aux Canadiens. Les résultats d’études récentes sont résumés dans le présent article. Un message est à retenir : la vaccination est préconisée – au moyen de toutes les doses recommandées –, même chez les personnes qui ont déjà été atteintes de la COVID-19.

Les chercheurs qui étudient les populations sur la scène internationale ont démontré que la vaccination procure une protection efficace contre de graves résultats cliniques associés à la réinfection chez les personnes qui ont déjà été infectées par le SRAS-CoV-2. Ce constat est encore plus vrai depuis l’émergence du variant Omicron, car jusqu’à maintenant, il a été établi que l’immunité produite par ce variant est de courte durée. Compte tenu de la transmissibilité élevée du variant Omicron, la santé publique continue de chercher à limiter la gravité des résultats cliniques de la maladie et à éviter les décès.

Les recherches ont confirmé que l’infection seule ne confère pas une immunité suffisante pour prévenir la COVID-19. Les personnes vaccinées qui souffrent d’une infection postvaccinale peuvent profiter d’une immunité hybride plus vigoureuse que celle assurée par la seule vaccination. Cependant, il ne faut pas en conclure que l’infection est souhaitable. Il est dans l’intérêt de chacun de prendre des précautions contre la COVID-19 afin d’éviter une maladie grave et un décès, de se prémunir de séquelles de la maladie comme la COVID longue et d’éviter de transmettre le virus, y compris aux proches et aux personnes les plus vulnérables.

Le problème du variant Omicron

L’infection par le variant Omicron a une portée si étendue que certaines personnes ont baissé la garde devant la possibilité de contracter la COVID-19, croyant cette conclusion inévitable. Cependant, l’infection par une souche du SRAS-CoV-2 n’est pas nécessairement protectrice contre les autres souches. Les anticorps produits après l’infection par des souches antérieures (souche originale ou sauvage, Alpha et Delta) ne peuvent pas bloquer totalement ni neutraliser les souches du variant Omicron (BA.1 et BA.2) (1). De plus, l’infection par le variant Omicron n’induit pas de réponse immunitaire vigoureuse et produit un très faible taux d’anticorps. Il est donc possible d’être réinfecté par le variant Omicron ou par des souches qui n’existent pas encore (1, 2). En revanche, une ou deux doses de vaccin (avant ou après l’infection par une souche du SRAS-CoV-2) sont associées à une réponse immunitaire vigoureuse et étendue, largement efficace contre tous les variants, y compris Omicron, lorsqu’elle est mesurée en fonction d’une maladie grave et d’un décès.

Les faits

Une vaste étude de cohorte réalisée au Brésil, publiée récemment dans The Lancet Infectious Diseases, a évalué l’efficacité des vaccins de Pfizer-BioNTech, d’Oxford-AstraZeneca, de Johnson & Johnson Janssen et de Sinovac-CoronaVac à prévenir une réinfection et une maladie grave chez les personnes qui ont déjà été atteintes de la COVID-19 (3). L’étude a démontré que l’efficacité des quatre vaccins contre une réinfection symptomatique était seulement modérée, mais que tous les vaccins conféraient des avantages importants en matière de protection contre l’hospitalisation ou le décès (Pfizer : 89,7 %; AstraZeneca : 89,9 %; Johnson and Johnson : 57,7 %; Sinovac : 81,3 %) par rapport aux personnes non vaccinées infectées par le SRAS-CoV-2 auparavant.

Ces résultats concordent avec ceux d’une étude suédoise au cours de laquelle des chercheurs ont évalué l’efficacité de l’immunité hybride par rapport à l’immunité conférée seulement par une infection antérieure (4). Ils ont découvert que l’immunité hybride (dans ce cas, deux doses conjuguées à une infection antérieure) réduisait de 90 % le risque de résultats cliniques graves par rapport à l’immunité acquise par l’infection seule. L’équipe de chercheurs a conclu que, même si le risque de réinfection et d’hospitalisation pouvait être faible chez les personnes qui s’étaient rétablies de la COVID-19, la vaccination était associée à une protection plus vigoureuse et plus longue (prolongée de neuf mois) que l’infection seule.

Une récente prépublication a évalué les répercussions de l’immunité hybride acquise par l’infection et induite par la vaccination contre une COVID-19 grave et symptomatique déclenchée par le variant Omicron (BA.1 et BA.2) au Qatar (1). Les chercheurs ont démontré que :

  • trois doses d’un vaccin à ARNm étaient plus efficaces contre l’infection par les lignées BA.1 ou BA.2;
  • l’immunité hybride était hautement efficace (plus de 90 %) contre l’hospitalisation ou un décès causés par les lignées BA.1 ou BA.2;
  • l’immunité hybride conférée par deux ou trois doses d’un vaccin à ARNm et par une infection antérieure était associée à la plus haute protection contre l’infection symptomatique.

Toutes ces données indiquent fortement que la vaccination, associée ou non à une infection antérieure, prévient une maladie grave avec une grande efficacité, y compris lorsque l’infection est causée par des variants comme les lignées BA.1 et BA.2 du variant Omicron.

Une récente étude publiée dans Cell a fait appel à une autre méthodologie pour comparer la réponse immunitaire découlant de l’immunité hybride avec l’immunité induite seulement par la vaccination. Les corrélats de protection déterminants contre une COVID-19 grave sont toujours à l’étude, mais l’équipe a évalué les marqueurs immunologiques de la vaccination à la fois chez les personnes infectées auparavant (immunité hybride) et chez celles qui ne l’avaient pas été (5). Les chercheurs ont prélevé du plasma et des cellules mononucléées du sang périphérique chez 24 personnes non infectées et 30 personnes infectées auparavant. Ils ont démontré que :

  • l’immunité hybride conférait une réponse immunitaire plus marquée et plus durable, comme le démontraient les lymphocytes B mémoires spécifiques au RBD et les anticorps neutralisants contre le SRAS-CoV-2 (souche sauvage, Beta, Delta et Omicron), que chez les personnes qui avaient reçu deux doses de vaccin et n’avaient pas été infectées.
  • les taux d’anticorps de pointe dans le groupe non infecté pouvaient être stimulés par une troisième dose.
  • deux doses de vaccin produisaient des réponses vigoureuses et durables des lymphocytes T indépendamment d’une infection antérieure, qui ne se renforçaient pas davantage après une troisième dose.
  • une infection antérieure produisait des réponses des lymphocytes T distinctes du profil de lymphocytes T CD4+ sur le plan fonctionnel, mais ce profil n’était pas observé dans la réponse à deux ou trois doses de vaccin seulement.

Dans l’ensemble, cette étude démontre que la protection plus vigoureuse assurée par l’immunité hybride peut être attribuée à des mécanismes spécifiques d’immunité à médiation humorale et cellulaire.

En fin de compte, toutes ces études démontrent que la combinaison de l’immunité acquise par la vaccination et induite par l’infection confère l’immunité la plus forte et la plus durable – évidente par rapport à l’infection antérieure seule. Ce constat n’indique toutefois pas que l’infection est un moyen stratégique de stimuler l’immunité. Il est tout à fait clair que l’infection par le SRAS-CoV-2 est liée à un grave risque d’hospitalisation ou de décès (même des personnes autrement en santé se sont retrouvées hospitalisées et sont décédées), à des conséquences à long terme comme la COVID longue (dont les effets ne sont pas encore établis) et à la transmission (y compris aux membres vulnérables de la société et aux familles).

Par ailleurs, rien ne garantit que l’infection confère une immunité. En effet, selon les données présentées dans une étude financée par le GTIC et publiée dans la revue Pediatric Infectious Disease Journal, environ une personne sur huit atteinte de la COVID-19 ne produisait pas d’anticorps décelables dans le sang (dans un processus appelé séroconversion) après l’infection (6). Le risque de séroconversion était encore plus faible chez les enfants (particulièrement les plus jeunes). De plus, il est établi que les souches prédominantes du variant Omicron en circulation induisent une protection très faible à long terme contre les variants du SRAS-CoV-2, quels qu’ils soient (1, 2).

La dépendance à l’immunité acquise par l’infection n’est une stratégie ni viable ni appropriée pour se protéger contre la COVID-19. Au moins trois doses de vaccin sont hautement efficaces contre une grave infection et un décès. En effet, chez les personnes vaccinées qui contractent une infection postvaccinale, la protection subséquente peut comporter certains avantages contre de futures infections, mais ce qu’il faut retenir au sujet de cette immunité hybride, c’est qu’elle dépend d’une vaccination complète.

Références

  1. Altarawneh HN, Chemaitelly H, Ayoub HH, Tang P, Hasan MR, Yassine HM et coll. Effect of prior infection, vaccination, and hybrid immunity against symptomatic BA.1 and BA.2 Omicron infections and severe COVID-19 in Qatar [Internet]. medRxiv; 2022 [cité le 24 mai 2022]. p. 2022.03.22.22272745. Repéré à : https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2022.03.22.22272745v1
  2. Turelli P, Zaballa ME, Raclot C, Fenwick C, Kaiser L, Eckerle I et coll. Omicron infection induces low-level, narrow-range SARS-CoV-2 neutralizing activity [Internet]. medRxiv; 2022 [cité le 2 juin 2022]. p. 2022.05.02.22274436. Repéré à : https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2022.05.02.22274436v1
  3. Effectiveness of CoronaVac, ChAdOx1 nCoV-19, BNT162b2, and Ad26.COV2.S among individuals with previous SARS-CoV-2 infection in Brazil: a test-negative, case-control study – PMC [Internet]. [cité le 24 mai 2022]. Repéré à : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8971277/
  4. Nordström P, Ballin M, Nordström A. Risk of SARS-CoV-2 reinfection and COVID-19 hospitalisation in individuals with natural and hybrid immunity: a retrospective, total population cohort study in Sweden. Lancet Infect Dis [Internet]. Le 1eravril 2022 [citée le 24 mai 2022]; Repéré à : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8971363/
  5. Rodda LB, Morawski PA, Pruner KB, Fahning ML, Howard CA, Franko N et coll. Imprinted SARS-CoV-2-specific memory lymphocytes define hybrid immunity. Cell. Le 28 avril 2022;185(9):1588-601.e14.
  6. Bhatt M, Zemek RL, Tang K, Malley R, Plint AC, Pham-Huy A et coll. Antibody Seronegativity in COVID-19 RT-PCR–Positive Children. Pediatr Infect Dis J. doi : 10.1097/INF.0000000000003573.